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Joao F. R. Negrao
Jean-Francois Naviner


Circuit mixte d’interface reconfigurable pour applications en instrumentation medicale



Résumé


Cet article a pour objet principal de présenter une architecture de circuit d’interface d’acquisition largement programmable pour applications en instrumentation médicale. Les spécifications sont déterminées en fonction des caractéristiques des signaux de mesure de biopotentiels.

1.Introduction

Nous présentons dans cet article une architecture mixte reconfigurable de circuit d’acquisition dédié à l’instrumentation médicale. L’objectif est de pouvoir utiliser un même circuit avec différents capteurs, pour différentes applications et dans des contextes différents. La mise en oeuvre d’un tel circuit doit conduire à une conception simplifiée d’interfaces d’acquisition, à la possibilité de faire évoluer celles-ci et finalement à une réduction des coûts de développement et de production de systèmes d’instrumentation biomédicale.

Un système ne pouvant cependant être totalement générique, nous considérons ici une bande de fréquence pour divers signaux biopotentiels, du continu à 4kHz [4], [5].

Diverses contributions ont été proposées portant sur des architectures de traitement du signal mixte analogiquenumérique programmables ou reconfigurables. Certaines ont plus spécifiquement considéré le domaine d’applications envisagé ici : dans [1], une structure permettant la réduction des interférences issues du réseau électrique par une compensation des disparités entre impédances des électrodes sans perte du signal utile est proposée ; dans [2], une chaîne d’amplification à capacités commutées permet de programmer le gain (en modes différentiel et unipolaire) et la tension de décalage (en mode unipolaire). Dans [3], une architecture et une réalisation d’un frontal analogique d’acquisition de biopotentiels est présentée.

L’objet de notre architecture est de pouvoir adapter les performances du circuit à l’application visée en contrôlant des paramètres de composants constituants la chaîne d’acquisition : le gain et le rapport de réjection du mode commun –CMRR– d’amplificateurs opérationnels et les caractéristiques du filtrage actif implémenté (type de filtrage, bande passante, atténuation). Il est également possible de contrôler le niveau DC à la sortie des amplificateurs afin d’éviter la saturation des convertisseurs analogique-numérique en aval. Ces possibilités de programmation doivent être introduites sous contrainte d’une faible consommation globale du circuit et avec un surcoût modéré en surface de la puce par rapport à une structure totalement dédiée.

Dans ce qui suit, nous présentons successivement une classification et quelques caractéristiques de signaux de biopotentiels (section 2), une architecture générique d’interface d’acquisition ( 3), notre proposition d’architecture programmable (section 4) et finalement quelques conclusions (section 5).

Le circuit analogique en conception utilise partiellement la technique des capacités commutées. Ceci permet en particulier une reconfiguration simple de l’architecture. Un modèle en langage VHDL-AMS du prototype permettra de valider le fonctionnement de l’architecture et sa reconfiguration.

2. Classification des signaux biologiques

Les signaux biologiques, originaires du transducteur sont classifiés en 8 types différents : biopotentiels, pression, déplacement, impédance électrique, température, concentration chimique, dimension et flux.

Ce présent travail traite des signaux de biopotentiels de bandes de réponse en fréquence (entre le continu et au maximum 4kHz) et avec une amplitude comprise entre 1 μV minimum et 150 mV au maximum. Quelques caractéristiques électriques de ces signaux sont présentées dans le Tableau 1 [4], [5].

Biopotentiels :

    a. Electrocardiogramme (ECG) : signal électrique pour l’analyse des battements du coeur ;
    b. Electroencéphalogramme (EEG) : signal électrique pour l’analyse de l'activité du cerveau ;
    c. Electromyogramme (EMG) : signal électrique pour l’analyse de l'activité musculaire ;
    d. Electrorétinogramme (ERG) : signal électrique pour l’analyse de la rétine ;
    e. Electrooculogramme (EOG) : signal électrique pour l’analyse de la cornée et de la rétine associé avec le mouvement des yeux ;
    f. Réponse galvanique de la peau (GSR) : signal électrique provenant de la mesure de la résistance du tissu entre deux électrodes.

    3. Architecture générique d’un frontal d’acquisition de signaux d’instrumentation

    Catunda [2] et Silva [1], dans leurs thèses de doctorat, ont proposé une architecture d'un système de mesure reconfigurable générique (Figure 1). Le schéma présenté est simplifié dans la mesure où plusieurs voies peuvent être nécessaires en particulier lorsque l’acquisition de grandeurs secondaires ou d’interférences est aussi nécessaire.

    Schema en blocs d'un circuit generique pour l'acquisition de signaux d’instrumentation
    Figure 1. Schema en blocs d'un circuit generique pour l'acquisition de signaux d’instrumentation.


    Voici une description succincte des blocs constituant cette architecture :

      • CONVERSION : acquiert le signal électrique du transducteur ; souvent constitué d’un amplificateur d’instrumentation.
      • GAIN : ajuste l’amplitude du signal et éventuellement la composante continue. L’objectif est d’exploiter la pleine dynamique du convertisseur analogiquenumérique, sans saturation.
      • FILTRE : atténue les interférences dans la bande (filtres coupe-bande) telle que celle produite par le réseau d’électricité et hors bande afin notamment d’éviter les problèmes de repliement de spectre lors de l’échantillonnage. Les blocs de gain et de filtrage peuvent avantageusement combinés.
      • EXCITATION : fournit lorsque cela est nécessaire le stimulus requis pour la polarisation du transducteur. Ce bloc peut contenir également des structures de filtrage et d’amplification.
      • CONVERSION ANALOGIQUE-NUMERIQUE (CAN) ET NUMERIQUE-ANALOGIQUE (CNA) : transforment le signal analogique en un signal numérique pour une exploitation éventuellement complexe en fonction de l’application et le signal numérique en un signal analogique pour l’excitation du transducteur.
      • Contrôle numérique (DSP) : assure l’exploitation des signaux, le stockage de données ou de paramètres, fournit des grandeurs de référence pour la partie analogique et commande l’interface avec l’utilisateur.

    Bloc de contrôle numérique
    Figure 2. Bloc de contrôle numérique.

    Le bloc de contrôle numérique peut exploiter pleinement les possibilités de programmation (microprocesseurs, etc.) ou de reconfiguration (architectures de type Field Programmable Gate Array – FPGA–). Dans le cadre d’une architecture mixte reconfigurable, il est donc intéressant de limiter autant que possible le traitement du signal dans le domaine analogique. Toutefois, les blocs cités ci-dessus sont nécessaires en règle générale et il convient donc de déterminer quels paramètres doivent être programmables et quelle doit être pour chacun d’eux la plage de variation. L’introduction de programmation sur ces blocs analogiques influe sur le choix des structures pour les mettre en oeuvre.

    4. Proposition d’une architecture mixte programmable pour application biomédicale

    Un circuit analogique reconfigurable possède un ensemble de structures génériques que l’on peut dédier temporairement par l’intermédiaire d’une séquence numérique de contrôle. Un exemple d’une telle structure, de type Field Programmable Analog Array (FPAA) est présenté dans [6]. Un circuit analogique programmable possède un ensemble de structures dédiées à la réalisation de fonctions particulières (amplification, filtrage, etc.) mais dont certains paramètres peuvent être programmés là encore par une séquence numérique de contrôle. Nous proposons une architecture mixte dans laquelle la partie analogique est programmable et dans laquelle la partie numérique est en partie programmable (microcontrôleur) et en partie reconfigurable (Field Programmable Gate Array – FPGA–). Le choix d’une structure analogique programmable se justifie par la connaissance préalable et intangible de la composition de la chaîne de traitement du signal (dans un cas extrême, une fonction peut cependant être court-circuitée) et par la recherche d’une basse consommation.

    L’architecture proposée doit permettre d’ajuster certaines caractéristiques de la chaîne d’acquisition telles que le gain des amplificateurs et la fréquence de coupure des filtres en fonction des signaux de biopotentiel (tableau 1). Par simple reprogrammation à partir du bloc de contrôle numérique, il est possible d’adapter l’interface d’acquisition pour différents types de transducteurs et en fonction des différents signaux de biopotentiel à mesurer (Figure 3).

    Architecture d'une voie d'acquisition programmable
    Figure 3. Architecture d'une voie d'acquisition programmable.

    De manière générique, il serait nécessaire d’intégrer aussi le conditionnement de stimuli nécessaires à l’action sur le ou les capteurs, voire sur le patient. Dans la version présente de notre architecture, nous n’intégrons pas de structure d’excitation en vu de fournir des stimuli au patient.

    La fonction du CIRCUIT ISOLATEUR est la protection électrique (jusqu’à 5 kV) pour le patient et aussi pour le circuit. Des normes définissent en France les caractéristiques de ce circuit (AFNOR, NF C74-390, NF EN 60601-1). L’isolateur est ici maintenu en dehors du circuit que nous proposons.

    Le bloc de PRE-AMPLIFICATION, constitué d’un amplificateur d’instrumentation amplifie le signal de biopotentiel de faible intensité et ajuste le niveau DC du signal pour éviter une saturation des blocs en aval. Les principales caractéristiques de cet amplificateur sont présentées dans le Tableau 2.

    Tableau 2. Caractéristiques principales du préamplificateur.
    Rapport de rejection du mode commun CMRR > 44 dB
    Gain G ≈ 22 dB
    Impedance d’entree Zin > 1 G Ω
    Impedance de sortie Zout ≈ 1 kΩ
    Tension d’entree Vin 1 μV a 150 mV
    Largeur de bande Bw DC a 4 kHz
    Bruit d’entree < 1 μVpp
    Derive en tension en entree Voff_in 1 μV/°C
    Derive en tension en sortie Voff_o 10 μV/°C
    Alimentation Vcc 3,3 V

    Le filtre passe-bande placé juste en sortie de l’amplificateur d’instrumentation sert à réduire tout signal en dehors de la bande d’intérêt [4], [5], [7]. Dans notre cas, ce filtre doit être reconfigurable de telle sorte que l’on puisse choisir entre un filtre passe-bas ou passe-bande. En outre, les fréquences de coupure doivent être programmables en fonction du type de signal biopotentiel à traiter.

    Nous avons choisi de combiner en un seul circuit les fonctions de pré-amplification et de filtrage selon le schéma électrique de principe représenté sur la Figure 4. Cette structure est différentiel en sortie pour éviter d’ajouter au signal des perturbations de mode commun en interne au circuit. Les filtres à mettre en oeuvre sont cependant dès lors doublés. Le gain est contrôlé par la résistance Rg. Les autres composants passifs doivent être appariés deux à deux. Les filtres passe-haut (HPF) doivent être débrayables. La configuration des fréquences de coupure est obtenue par modification des valeurs des résistances ou des capacités (non représenté).

    Preamplificateur et filtre de bande d'interet
    Figure 4. Preamplificateur et filtre de bande d'interet.

    Les valeurs des fréquences de coupure nécessaires sont indiquées dans le Tableau 3.

    Signal Biopotentiel Frequences de coupure (fc1, fc2) [Hz]  
    ECG 0 200
    EEG (PEA) 0,16 16
    EEG 0,16 150
    EMG 10 4000
    EOG 0 20
    GSR 0,1 10

    Tableau 3. Caractéristique du filtre (PBF)

    La structure de l’amplificateur d’instrumentation représenté sur la Figure 4 est classique et certaines caractéristiques peuvent être améliorées par l’emploi d’un circuit tel que proposé dans [8], Figure 5. Avec un tel circuit cependant plus complexe, il est possible d’obtenir un CMRR élevé (120 dB).

    Amplificateur d’instrumentation
    Figure 5. Amplificateur d’instrumentation.

    Il est à noter que la simplicité du filtre est impérative compte tenu des constantes de temps importantes liées aux applications. En particulier, les deux capacités nécessaires à la fréquence de coupure basse (passe-haut) ne seront pas intégrées sur le circuit.

    Compte tenu des constantes de temps importantes (les fréquences de coupures sont indiquées sur le tableau 4), il est avantageux d’effectuer un filtrage minimal en temps continu, de sur-échantillonner le signal et de terminer sa mise en forme en temps discret (amplification et filtrage) à l’aide de circuits à capacités commutées avant conversion analogique-numérique à modulation sigma-delta. En effet, un filtre plus simple peut alors être mis en oeuvre du fait d’une bande de transition élargie. Le nombre de composants passifs est alors réduit. Le sur-échantillonnage, en association avec la technique de modulation sigma-delta permet de relâcher les contraintes sur les composants analogiques du convertisseur analogique-numérique. Par contre, un filtrage numérique passe-bas et une décimation sont nécessaires après modulation sigma-delta. L’architecture numérique peut mettre à profit la basse fréquence de fonctionnement pour minimiser le nombre d’opérateurs à intégrer et donc la surface de circuit nécessaire.

    Avant conversion, un circuit de gain programmable à capacité commutée est inséré. Les principes de ce circuit sont décrits dans [2] et l’optimisation de la structure en fonction des gains dans [10].

    La résolution du convertisseur analogique-numérique pour l’acquisition d’un signal de biopotentiel varie entre 8 et 16bit, selon Schwanke [9], (Tableau 4). 12bit est en particulier considéré comme le meilleur choix pour des signaux de potentiel évoqué auditif (PEA). La conversion à modulation sigma delta est intéressante du fait des compromis intrinsèques entre largeur de bande du signal et rapport signal-sur-bruit (autrement dit la résolution équivalente en bit). En outre, il est possible de faire varier le taux de sur-échantillonnage et donc la fréquence d’échantillonnage pour parvenir au meilleur compromis entre résolution et consommation pour une application donnée. Compte tenu des largeurs de bande (pire cas de 4kHz) et de la résolution maximale nécessaire, un modulateur simple boucle à quantification monobit est suffisant avec une fréquence d’échantillonnage de 1,024MHz. Le filtrage numérique, nécessaire à l’élimination du bruit de quantification hors bande avant décimation doit être lui-même reconfigurable afin de couvrir l’ensemble des applications envisagées. Une intégration sur une architecture de type FPGA est adaptée.

    Signal Biopotentiel Nb. de bits
    ECG 12 a 16
    EEG (PEA) 8 a 12
    EEG 8 a 16
    EMG 12 a 16
    EOG 12 a 16
    GSR 12 a 16

    Tableau 4. Résolution requise pour le convertisseur.
    5. Conclusions

    Après une brève introduction à l’ingénierie biomédicale pour la mesure de biopotentiels, cet article présente une architecture de circuit reconfigurable dédiée à ces applications.

    L’architecture proposée comporte un amplificateur d’instrumentation et un filtre passe-bas ou passe-bande en temps continu, puis en temps discret une structure à capacités commutées ajustant le gain et le spectre du signal avant conversion à modulation sigma-delta.

    Les travaux en cours portent sur l’étude de l’impact de la programmation sur les différents circuits et en particulier sur leur consommation. Une étude sera produite fournissant un bilan de performances comparées vis-à-vis de structures dédiées à chacune des applications considérées. Un circuit intégrant une voie d’acquisition basée sur cette architecture sera ensuite conçu, intégré puis testé dans une technologie CMOS 0,35μm afin de valider notre approche.

 
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